Sarah Lamour & Louis-Emmanuel Blanc – Quinze ans d’Etreinte (Magazine Cité des Arts)

THEÂTRE
Le Poisson Belge – Théâtre Denis à Hyères le 12 Février
Être un homme – Espace des Arts au Pradet le 18 Février

Sarah et Louis-Emmanuel ont créé la Compagnie l’Etreinte il y a quinze ans. En ce mois de février, celle-ci est mise à l’honneur avec la reprise de « Le Poisson Belge » mis en scène par Sarah assistée de Louis-Emmanuel au théâtre Denis et le nouveau spectacle interprété et mis en scène par Louis-Emmanuel, « Être un homme » à l’Espace des Arts.

Sarah, rappelle-nous rapidement les enjeux du « Poisson Belge » ?
SL : Cette pièce mêle beaucoup de registres, le thriller, le conte, et est aussi très ancrée dans la réalité. C’est une rencontre entre Grande Monsieur et Petit Fille, deux paumés, une préadolescente pas du tout dans les clous et un vieux travesti, qui ne sort pas de chez lui. Petit à petit, elle va s’installer chez lui. On pense à une affaire de mœurs mais non, c’est une histoire d’amitié. Elle va le faire se réveiller… Jusqu’au twist final. Nous avons aussi un bel univers sonore, proposé en direct par Isabelle Girod, qui assure le son à vue du public.

C’est une reprise, comment s’est passé l’accueil du public et de l’auteur ?
SL : La reprise se fait dans la joie, l’effet plaisir revient. On retrouve nos marques en résidence au Comedia, salle que l’on aime beaucoup. Leonore Confino est venue à la première et a beaucoup aimé, c’était très sincère, elle a même dit avoir redécouvert des choses dans sa pièce. La salle était comble, la première était très belle, et puis il y a eu le confinement. Nous sommes très heureux de la reprendre. Autre plaisir dans cette pièce : on se retrouve à la mise en scène avec Louis-Emmanuel Blanc. Nous avons créé la compagnie ensemble. Nous étions d’abord acteurs tous les deux, puis chacun mettait en scène l’autre, et là il m’assiste à la mise en scène.

Louis-Emmanuel, qu’est-ce qui t’a donné envie de raconter ton histoire ?
LEB : « Être un homme » part de moi mais en essayant de créer des liens qui peuvent toucher les autres. Pourquoi telle période est difficile ? Pourquoi telle personne est importante ? Je travaille avec Victor Lassus, un ami proche depuis le conservatoire. Ça parle de mon adolescence entre dix et vingt ans : je ne suis plus un enfant mais pas encore un homme. Je me pose des questions sur cette charte que l’on a quand on est un homme. Pourquoi je veux payer le restaurant à ma compagne ? Est-ce qu’un homme doit se battre si on lui crache dessus ? Dans les films, le méchant perd, mais dans la vraie vie, on le voit qui conquiert les filles… Donc, moi aussi je devrais être méchant ? Aussi, je me demande à quel point ma sensibilité est une force. Grâce au théâtre, j’ai une vraie part
de sensibilité. Mais avant de l’accepter, il faut faire tomber les masques. Et il y a toutes ces phrases : « sois un homme ! »… J’ai grandi avec trois frères… Au-delà d’eux, à cette période-là on n’était qu’entre hommes : rap, ciné, voiture… entre hommes. Grâce au conservatoire j’ai rencontré l’autre, les filles, dont Sarah, avec qui ce fut un coup de foudre amical. Je crois que ces thèmes peuvent intéresser tous les âges, tous les milieux sociaux. C’est ce qui m’intéresse dans le théâtre, art populaire à la base mais qui est parfois devenu trop élitiste.

Est-ce que c’est difficile d’être un homme aujourd’hui ?
LEB : Je crois que, malheureusement, c’est toujours plus difficile d’être une femme, et surtout d’être soi-même. Il y a cette liste de choses que l’on doit être, gravées dans le marbre. Je veux être sincère avant tout. J’aimerais que ce soit drôle, mais ce ne sera pas forcé. J’essaie aussi que ce soit universel, sans tomber dans les généralités. Ce qui m’intéresse, c’est comprendre l’autre. J’ai quand même peur de ce thème, beaucoup plus sensible que ceux de mes deux précédents spectacles. Victor me pousse à y aller. Quand j’ai été un connard, il faut le dire ! Je parle aussi de ma famille, ma mère, très méditerranéenne et flamboyante, mon père, plus taiseux, plus dans les actes. Et moi mélange des deux. Et la boxe, le rapport des corps. Qu’est ce qui est autorisé entre deux hommes qui s’aiment d’amitié ? Je ne cherche pas à apporter des réponses, mais qu’on réfléchisse. D’ailleurs, je n’aime pas le théâtre donneur de leçons.

Fabrice Lo Piccolo
Février 2022